30 juillet 2009 4 30 /07 /juillet /2009 03:25
Attac France
http://www.france.attac.org/spip.php?article9205

la-poste.jpgIl a fallu la parution d’un article du Monde, le 4 juillet 2008, pour qu’enfin les 285 000 postiers français apprennent que les dirigeants de la Poste et le gouvernement envisageaient un changement du statut de l’entreprise, suivi d’une ouverture de capital. Démarche hélas prévisible, dans le cadre d’une libéralisation forcenée des services mise en place par l’Union européenne dès 1986, même si aucune directive ne l’impose. Démarche confirmée le 28 août par Jean-Paul Bailly, président de la Poste, qui prévoit la transformation en société anonyme pour 2010, et l’ouverture du capital pour 2011.

 

Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler ce qu’on appelle « libéralisation » en matière d’économie. Il s’agit d’ouvrir à la concurrence une activité économique en situation de monopole, ce monopole étant dans la plupart des cas détenu par l’État. Un telle ouverture à la concurrence est censée, selon les chantres du libéralisme, encourager l’innovation, la qualité des services et la baisse des coûts pour les clients.


En principe, elle n’entraîne pas forcément la privatisation des entreprises publiques, mais la réalité montre qu’il en va tout autrement. D’une part, que ce soit au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou de l’Union européenne, les règles de la concurrence sont telles qu’elles interdisent aux États, sauf rares exceptions, de venir en aide à leurs propres entreprises, qui doivent se débrouiller par elles-mêmes pour assurer des services souvent non rentables, délaissés par les entreprises concurrentes dont l’intérêt va uniquement aux services rentables. De l’autre, la réalité montre que le processus de libéralisation conduit systématiquement à la privatisation, d’abord sous forme d’ouverture du capital (il s’agit, nous dit-on, de renforcer l’entreprise pour la rendre plus compétitive), puis par l’abandon progressif de la participation de l’État. Le cas de France Télécom est à ce sujet exemplaire.


Les fausses raisons d’une vraie privatisation

Pour tenter de justifier le changement de statut et l’ouverture du capital de la Poste, quelques experts autodésignés avancent des arguments bien connus (on a utilisé à peu près les mêmes pour France Télécom et EDF), mais qui ne résistent pas à l’analyse.


1. « Ce changement de statut nous est imposé par Bruxelles - il est inévitable »


Les directives européennes successives et la mise en concurrence ont eu des effets importants en matière de désorganisation du service public postal. Néanmoins, à aucun moment, ces directives n’ont imposé un statut aux opérateurs postaux. Il en est de même aujourd’hui : pour Bruxelles, l’ouverture au marché n’implique pas la privatisation. L’Union européenne incite à la privatisation par tous les moyens dont elle dispose. Mais elle n’a aucune compétence en matière de régime de propriété. La privatisation est de compétence nationale.


Économiquement, nous avons connu des entreprises publiques qui vivaient dans un environnement concurrentiel : Renault, publique jusqu’en 1996 alors que le marché de l’automobile était mondial ; Aérospatiale, constructeur d’Airbus, n’a été privatisée que sous le gouvernement Jospin ; de même la SNECMA, constructeur de moteurs d’avions pour un marché mondial, est restée publique très longtemps. Ces entreprises publiques industrielles ont vécu longtemps sur des marchés où la concurrence était rude. Si elles l’ont pu, on ne voit pas pourquoi la Poste ne le pourrait pas.


2. « La privatisation s’accompagnera d’une « délégation de service public » qui permettra d’imposer, mieux qu’aujourd’hui, un cahier des charges pour remplir la mission, il sera négocié localement »


C’est un argument mis en avant par le gouvernement, la direction de la Poste et les défenseurs du projet de privatisation, comme le président de l’Association des maires de France.


La loi de régulation postale de mai 2005 a ouvert la porte à une dégradation sans précédent du service public postal. Le contrat de service public signé en juillet 2008 entre l’État et la Poste reprend les critères retenus dans cette loi.


Le gouvernement a mis en place une stratégie de défaisance qui l’a amené à soutenir la dernière directive postale en 2007. Pour compenser la perte de monopole, il a pris des mesures d’économies qui ôteraient tout « handicap concurrentiel » à la Poste. Il faut que celle-ci se mesure aux autres entreprises du secteur ! Et la mission de relève, de traitement et d’acheminement du courrier est, jusqu’au 1er janvier 2011, financée par le monopole pour les plis de moins de 50 grammes. Le cahier des charges qui prévoit la réduction des délais d’attente, par exemple, est une garantie bien limitée !


Si la porte est déjà ouverte, l’introduction de capitaux privés, même minoritaire, conduirait immédiatement à imposer de façon plus radicale la logique de rentabilité : l’ensemble des activités sera jugée sur des critères de rentabilité capitaliste : comparaison avec d’autres entreprises privées, ratios de charges de personnels et d’investissements... L’entrée en Bourse constituerait un pas supplémentaire, les résultats économiques et financiers des entreprises étant regardés du point de vue du cours de l’action et de la capacité à produire du dividende. Cela a des implications sur les stratégies d’entreprises, les choix d’investissements, l’emploi, les conditions de travail…


L’expérience montre que la délégation de service public est totalement inopérante avec les grandes firmes privées. L’eau est un bon exemple. Cela tient à ce que les pouvoirs publics locaux, et même nationaux, n’ont pas les moyens de contraindre ces firmes à agir selon un autre objectif que le leur : profit maximum le plus vite possible.


Le cas France Télécom

La poste et les télécommunications étaient naguère regroupées en une seule entreprise, plus connue sous le sigle PTT. Mais, avec l’Acte unique européen (1986) et la décision de construire un « grand marché intérieur », naît l’idée de créer des réseaux transeuropéens concernant les télécommunications, les transports et l’énergie (TTE), réseaux bien entendu ouverts à la concurrence. C’est dans ce cadre que, le 1er janvier 1988, en France, la poste et les télécommunications se séparent en deux entités distinctes (le phénomène se produit de la même façon et à la même époque en Allemagne), et que naît France Télécom. La suite est un long parcours visant à couper progressivement les racines avec l’État.

D’abord, en 1990, avec la loi Quilès, France Télécom, tout comme la Poste, se transforme en exploitant de droit public, doté de l’autonomie financière et d’une personnalité morale distincte de l’État : autrement dit, son budget ne sera plus voté par l’Assemblée nationale et le lien avec l’autorité de tutelle se fait plus lâche. Puis, la libéralisation totale du secteur européen des télécommunications, programmée pour le 1er janvier 1998, sert de prétexte à l’ouverture du capital. Dans ce but, France Télécom se transforme en société anonyme (juillet 1996). Une première ouverture du capital a lieu en 1997, suivie d’une autre en 1998. Mais ce n’est pas suffisant : en 2003, une nouvelle loi permet que l’État puisse être minoritaire dans le capital, ce qui se réalise en 2004, et donc la société devient une entreprise privée, même si l’État y conserve une minorité de blocage (plus d’un tiers des parts). Ce dernier verrou saute en 2007, année où la participation publique est portée à 27 %. Tel sera, n’en doutons pas, l’avenir de la Poste si elle entre dans l’engrenage de l’ouverture du capital. Et, pour ceux qui croiraient encore aux promesses gouvernementales, rappelons qu’en 2004 Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, avait juré que jamais GDF ne serait privatisé : aujourd’hui, l’État ne possède plus que 35,7 % du groupe GDF-Suez !

Le système est d’autant plus pervers que, sous couvert de concurrence libre et non faussée, un opérateur, désormais privé, profite de tous les avantages acquis lorsqu’il était public (on l’appelle aussi « opérateur historique »), et donc conserve le plus souvent sa position dominante, sauf que celle-ci est utilisée pour accroître sa rentabilité financière et non pour servir l’intérêt général, et que les bénéfices ne vont plus au budget de l’État, mais aux actionnaires.

3. « Pour financer la modernisation de la Poste, pas d’autres choix que d’ouvrir le capital »
Tel est l’un des arguments les plus régulièrement servis pour justifier les opérations de privatisation. Or, le groupe La Poste n’est pas en déficit : bénéfice de 800 millions d’euros en 2006 et 1 milliard d’euro en 2007, et ce alors même que l’État lui impose d’assumer un certain nombre de coûts (comme les tarifs bonifiés dont bénéficient les éditeurs afin de soutenir la diffusion de la presse). Derrière ce terme de « modernisation », se cache la volonté de poursuivre la transformation de la Poste en une entreprise privée transnationale. Ce que permettrait l’ouverture du capital, ce n’est pas la mise à niveau des centres de tris, la mise en place d’un réseaux de distribution express par TGV, mais bien la possibilité pour la Poste de participer au grand jeu de Monopoly qui s’organise sur les dépouilles des systèmes publics européens.


4. « Pour permettre à l’entreprise de résister à la concurrence, il faut lui donner les moyens d’un développement international »


Le besoin de capitaux pour s’internationaliser est aussi un argument qui a déjà beaucoup servi : l’ouverture à la concurrence va faire perdre des parts du marché national et oblige à aller en chercher à l’international. Pour ce faire, il faut acheter des opérateurs à l’étranger. C’est la combinaison des niveaux européen et national de l’offensive contre les services publics : on prend appui sur la libéralisation européenne pour procéder à la privatisation nationale. On ne prend plus la peine de montrer que l’internationalisation est utile au service public ; le raisonnement se borne aux parts de marché. C’est-à-dire que l’on est déjà dans la logique privée.


La croissance internationale assure-elle au moins de pérenniser l’entreprise ? Non. L’Italie connaît ainsi des difficultés avec deux de ses entreprises nationales : Telecom Italia et Alitalia. Rachetées essentiellement par des sociétés privées, rien n’assure qu’elles seront maintenues et que le service prendra en compte les besoins des Italiens. Quant aux salariés, ils sont sacrifiés sur l’autel de la compétitivité : France Télécom a licencié plus de 40 000 salariés polonais depuis son rachat de l’opérateur historique... Cette situation peut toucher demain en France l’une ou l’autre des entreprises récemment privatisées. De même, rien n’empêche, dans un contexte purement spéculatif et de forte concurrence, des opérations de rachat à la faveur d’une baisse du cours de bourse.


On doit aussi s’interroger sur le point de savoir si cette façon d’affronter la concurrence (la croissance externe) est adaptée. Le prix immédiat est élevé pour un rapport totalement hypothétique. Le meilleur moyen de se défendre, pour les entreprises de service public, est de renforcer leur relation actuelle avec la population et de cultiver ce qui est leur premier savoir-faire : le service public. C’est une tout autre vision des choses.


EDF devrait investir dans ses missions de service public et de recherche : travailler sur les énergies renouvelables et les économies d’énergie, secteur qui a assurément plus d’avenir que les vieilles centrales nucléaires britanniques. L’acquisition de British Electric a coûté près de 16 milliards d’euros. La SNCF devrait améliorer d’urgence ses équipements, cesser de fermer des liaisons et conserver le maillage le plus serré du territoire. Elle s’apprête pourtant à dépenser 80 millions d’euros pour acquérir 20 % de la compagnie italienne NTV... Quant à la Poste, doit dépenser, en 2008, 500 millions d’euros pour acquérir 50 % de l’opérateur espagnol SEUR et 140 millions pour l’achat d’Experian, une société de services en ingénierie informatique. Les opérations d’achat envisageables se chiffrent désormais en milliards d’euros. Avec les 500 millions de SEUR il est possible d’entretenir 1 000 guichets de plein exercice de la Poste pendant dix ans (salaires, loyer, informatique).


Au-delà, si vraiment la Poste a besoin de capitaux, d’autres solutions existent qui ne supposent pas une privatisation, comme, par exemple, la levée d’un emprunt obligataire.


Accessibilité bancaire, le cadeau aux banques

Le droit au compte universel n’existe pas en France. Les textes réglementaires, limités, ne sont pas appliqués par les banques. La Banque de France, qui devrait jouer un rôle de gendarme, ne le fait pas. Les clientèles défavorisées, sans domicile fixe, gens du voyage, immigrés, surendettés et interdits bancaires n’ont que la Poste et, dans la plupart des cas, le Livret A comme ressource pour toucher leurs salaires et indemnités, en espèces ou par chèques de banque gratuits. La création de la Banque postale vient bouleverser la donne, avec des exigences de rentabilité incompatibles avec la fréquentation des clientèles pauvres. La loi de modernisation de l’économie a validé la banalisation du livret A et le monopole de ces clientèles attribué à la Poste… qui n’en veut pas et aimerait bien les cantonner dans des bureaux de poste « ghettos », sous prétexte qu’elles nuisent à sa rentabilité et à son image de marque, ou encore qu’elles « cannibalisent » les guichets.

5. « La Poste fonctionne déjà sur le mode du privé, la privatisation ne changera rien »


Différents éléments sont mis en œuvre, parfois depuis des années, qui préparent le terrain : concurrence, dégradation du service rendu aux usagers, et transformation de la gestion du personnel.


Le basculement du travail quotidien de centaines de milliers d’agents vers de nouvelles normes de travail ne peut s’opérer en un jour. Les privatisations se sont appuyées sur des campagnes idéologiques continues. Pour la Poste, cette offensive vise à promouvoir dans chaque geste quotidien, le « bon réflexe ». La rentabilité doit remplacer le service public comme guide conducteur : Pourquoi ne pas proposer un service financier ou des produits de papeterie à un usager qui vient acheter un timbre ? Pourquoi parcourir 10 km pour livrer une seule lettre que l’on pourrait remettre le lendemain ? Pourquoi garder un compte où ne transitent que quelques euros, et où chaque transaction coûte plus cher que ne rapporte le dépôt ?


Des consignes limitées aujourd’hui pourraient conduire demain à l’abandon pur et simple de certaines missions. Plus question de répondre aux besoins : contact humain pour le facteur, sécurité dans la maintenance aéronautique, disponibilité de l’agent d’EDF. À l’origine, le statut des fonctionnaires ou des salariés des grandes entreprises publiques était lié à ces exigences fortes de service public. L’attaque s’est donc largement appuyée sur la remise en cause du statut des salariés de la Poste. Plus de 40 % du personnel est déjà sous statut privé, ce sont les personnels les moins qualifiés, au salaire peu élevé, et une grande part de femmes. Défendre le service public quand on gagne autour de 1 050 euros net par mois, sans perspective de carrière, est difficile.


Cette politique s’accompagne de la mise en concurrence des salariés. Les métiers sont confrontés à un calcul autonome de la rentabilité. Pourtant le travail du postier intègre les différentes dimensions, qu’on ne peut découper en financier, courrier, colis... Le colis repose sur le réseau des facteurs pour la distribution. La Banque postale fonctionne avec du personnel travaillant dans les bureaux de poste.


La direction propage aussi l’idée que la privatisation libèrerait la gestion de l’entreprise d’un carcan étatique et permettrait même d’envisager une participation aux bénéfices. Rappelons que la Poste est d’abord une entreprise de main-d’œvre où les salaires sont bas. Comment imaginer que les salariés tireront des bénéfices d’une telle situation ?


L’ouverture du capital aggraverait brutalement ces tendances en instaurant la domination définitive de la rentabilité sur le service public.


La multiplication des filiales : diviser pour mieux privatiser

Le départ de France Télécom marque la première scission et pourrait laisser croire que l’organigramme de la Poste est aujourd’hui on ne peut plus simple. Il n’en est rien : en vingt ans, sous prétexte de modernisation et d’adaptation, le groupe La Poste a multiplié ses filiales (291 filiales en 2008), certaines ayant déjà le statut de sociétés anonymes, et aussi ses acquisitions et ses implantations à l’étranger (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, États-Unis, pays d’Europe de l’Est et pays émergents, etc.). Aujourd’hui, le groupe est divisé en quatre « métiers » : le courrier, les colis et express, les services financiers et le réseau des bureaux de poste. Voyons les choses d’un peu plus près.


1. Le courrier : c’est là que les filiales sont le plus nombreuses, regroupées en quatre pôles composant le holding Sofipost. Il y a d’abord Doc@post, pôle réservé aux entreprises, leur assurant la gestion des documents et des données (filiales : Aspheria, Certinomis, Dynapost, Ingéniérie Solutions Courrier, Maileva, Orsid, Selisa, Seres, SF7, Xange Capital). Le second pôle, Publipost, comme son nom l’indique, est dédié au publipostage (filiales : Mediapost, Mediapost Data, STP, Néolog, Néopress). Troisième pôle, La Poste Global Mail, chargée de l’international (filiales : Brokers Worldwide, BTP Mailflight, La Poste UK Limited, Sofrepost). Vient enfin Viapost, pôle consacré au fret (filiales : Fret GV, et tout récemment Greenovia et Mobigreen, dédiées au « courrier vert »). On en oublierait presque l’essentiel, du moins aux yeux des clients particuliers, la Direction du courrier.


2. Les colis et express : ce « métier » est divisé en deux parties. La première, ColiPoste, est l’opérateur interne de la Poste, chargé de la livraison aux particuliers en 48 heures et plus. La seconde, GeoPost, regroupe des filiales françaises (Chronopost International, Taxicolis, Exapaq) et internationales (réseau DPD, Parceline, Interlink, Armadillo, SEUR, liste en perpétuelle évolution au gré des acquisitions, des fusions et des ventes).


3. La Banque postale : sa naissance s’est faite en deux étapes. D’abord, en 2000, est créée la filiale Efiposte, qui permet une gestion financière échappant au contrôle du Trésor. Puis, le 1er janvier 2006, Efiposte devient la Banque postale, société anonyme dont le capital est pour l’instant détenu à 100 % par la Poste. En partenariat avec de nombreux organismes privés, la Banque postale possède aussi ses propres filiales, regroupées dans un holding appelé SF2, spécialisées notamment dans les domaines de l’assurance et de la gestion d’actifs.


La presse menacée
La Poste est chargée de l’acheminement et de la distribution de la presse, une opération dont le chiffre d’affaires dépasse les 1,5 milliards d’euros par an. Les tarifs dont bénéficient les éditeurs laissent à la charge de l’entreprise près de 500 millions d’euros par an. La Poste assume cette mission, en dégageant malgré tout des bénéfices depuis 1990. Le gouvernement versait pour sa part environ 240 millions d’euros par an. Avec l’ouverture du marché, la solution proposée par le gouvernement est simple : davantage de productivité à la Poste, des tarifs en augmentation pour les éditeurs et l’aide de l’État en baisse.

4. L’enseigne La Poste : le réseau des bureaux de poste revendique actuellement 17 000 points de contact, dont 5 000 en partenariat avec des collectivités locales ou des commerçants. La recherche de la rentabilité entraîne la fermeture de nombreux bureaux de poste, et ceux qui restent sont encouragés à faire du chiffre par tous les moyens, par exemple en proposant aux usagers, devenus « clients », toute une gamme de produits parfaitement inutiles. Il faut savoir en outre que plus de 10 000 postes de guichetiers ont été supprimés en trois ans, ce qui entraîne de longues files d’attente et l’insatisfaction des usagers.


Pour revenir à l’accumulation de filiales, elle peut sembler absurde, elle l’est d’ailleurs, mais il s’agit de préparer la privatisation, qui pourra se faire soit sur l’ensemble du groupe, soit sur tout un « métier » (on pense évidemment à la Banque postale, devenue société anonyme), soit sur un holding ou sur certaines filiales travaillant déjà en partenariat avec des groupes privés. En outre, un tel cloisonnement détruit la solidarité entre employés du groupe, déjà mise à mal par la différence de statut entre fonctionnaires et contractuels : ces derniers représentent, en 2008, 41,6 % de l’ensemble du personnel (proportion en constante augmentation), et gagnent en moyenne 450 euros de moins par mois que les fonctionnaires. Ajoutons que l’intéressement du personnel à l’entreprise aggrave les inégalités : alors que la plupart des postiers se sont vu attribuer une prime de 94 euros au titre de l’exercice 2007, cette somme s’est élevée à 3 800 euros en moyenne pour le personnel du siège de la Banque postale.


La Poste, un monopole de l’État depuis les origines

La Rome antique connaissait une poste impériale centralisée, dont les vestiges s’effondrent au Moyen Âge. La création de la poste moderne est surtout liée au personnage de Louvois, ministre de Louis XIV, surintendant général des postes et relais à partir de 1668, qui organise un système centralisé exploité par la Ferme générale des postes.

À la Révolution, la Ferme générale des postes est supprimée et remplacée par un service public entièrement exploité par l’État. À cette époque, le service postal est essentiellement urbain ou interurbain, délaissant presque totalement les campagnes. De plus, la taxe sur les messages est acquittée par les destinataires, et elle varie selon les distances parcourues. Le premier problème est réglé en 1830 avec la généralisation de la distribution du courrier, un jour sur deux, sur l’ensemble du territoire, grâce à plus de 5 000 facteurs (la distribution devient quotidienne dès 1832). Le second est résolu par la Réforme postale, née en Angleterre en 1839, puis étendue à l’ensemble du monde. Le principe en est simple : d’une part la taxe sur le courrier doit être payée par l’expéditeur, de l’autre ce dernier ne doit pas être taxé en fonction de la distance parcourue par sa lettre. C’est l’instauration du tarif unique, rendu possible par le système de péréquation, élément essentiel de tout service public : les activités rentables financent celles qui sont déficitaires, de façon à assurer la mission de service public sur tout le territoire, à un coût supportable par l’ensemble de la population.

La Réforme postale s’accompagne de la création du timbre-poste qui, lié à l’implantation de boîtes aux lettres, permet en principe l’anonymat et l’inviolabilité du courrier envoyé. Le premier timbre, le célèbre Penny Black, voit le jour en Angleterre en 1840. Il faudra passer par une révolution pour que la réforme postale s’applique enfin à la France, à partir du 1er janvier 1849, avec « une taxe fixe et uniforme de 20 centimes pour toute lettre circulant à l’intérieur, dont le poids n’excédera par 7 grammes et demi, et quelle que soit la distance à accomplir dans toute l’étendue de la France, de la Corse et de l’Algérie ». D’autres tarifs sont fixés en fonction du poids des envois ou de l’expédition en recommandé, le tout accompagné de timbres-poste à l’effigie de Cérès.

Par la suite, l’administration des postes absorbe celle des télégraphes : le ministère des postes et télégraphes est créé en 1878. La même année, le téléphone arrive en France, mais il est d’abord exploité par une société privée, avant d’être nationalisé en 1889 et rattaché au télégraphe. Le ministère de tutelle, d’abord sous-secrétariat puis secrétariat d’État, prend en 1929 le nom de ministère des postes, télégraphes et téléphones (PTT). Il deviendra en 1960 le ministère des postes et télécommunications, tout en conservant le sigle PTT, transformé en P et T en 1986, deux ans avant la création de France Télécom et quatre ans avant que la Poste et France Télécom acquièrent chacune un statut assimilable à celui des EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial).

À noter aussi le rôle essentiel des services financiers de la Poste, dès le XIXe siècle : le mandat postal date de 1817, la Caisse nationale d’épargne (CNE) voit le jour en 1881 (le livret d’épargne prendra en 1966 le nom de Livret A), tandis que les chèques postaux sont créés en 1918.

 

L’Union européenne et l’ouverture à la concurrence

La date de 1986 marque un tournant au sein de la CEE (qui deviendra l’Union européenne avec le traité de Maastricht de 1992) : l’Acte unique insiste essentiellement sur le développement d’un grand marché intérieur. La concurrence devient une valeur sacrée, et les États ayant le monopole d’un service public sont considérés comme des obstacles à son exercice. Mais on ne peut du jour au lendemain tirer un trait sur des services publics indispensables aux citoyens et dont ces derniers sont globalement très satisfaits.


Il faut donc procéder par étapes, tout en martelant que la libéralisation est indispensable, qu’elle entraîne la modernisation, la baisse des prix et la création d’emplois, déclaration relevant plus de la foi que de la réalité. D’ailleurs, les hérauts de la concurrence ont bien du mal à trouver des preuves, et l’avouent parfois naïvement, à l’image de la Commission européenne et de son Livre vert sur les services d’intérêt général (2003) : « On ne dispose pas encore d’éléments suffisants pour évaluer l’incidence à long terme de l’ouverture des services d’intérêt général à la concurrence, mais rien ne prouve dans les informations disponibles que la libéralisation ait exercé un effet négatif sur leur performance globale, du moins en ce qui concerne l’accessibilité tarifaire et la fourniture d’un service universel. »


Bref, on ne sait pas si c’est bien ou pas, mais on continue. Ajoutons d’ailleurs que les preuves de l’effet négatif de l’ouverture à la concurrence et de la privatisation des services ne manquent pas, et qu’il ne faut pas aller bien loin pour les trouver :
- Au Royaume-Uni, la privatisation du rail a généré des accidents parfois mortels, une hausse des prix spectaculaire et la dégradation du service rendu aux utilisateurs.

 

- La dérégulation du secteur des télécommunications a entraîné une explosion des dépenses des consommateurs, la prétendue concurrence étant faussée par les ententes illicites entre quelques oligopoles.

 

- La libéralisation du secteur de l’énergie, outre des pannes de plus en plus fréquentes, s’est traduite par une grande complexité des prix proposés et par leur nette augmentation.


Concernant les services postaux, un Livre vert de la Commission est publié en 1992, suivi en 1994 d’une résolution du Conseil des ministres de l’Union, le tout aboutissant en 1997 à une première directive (97/67/CE), adoptée en codécision par le Conseil et par le Parlement européen. Ce détail a de l’importance, car on a souvent tendance à tout mettre sur le dos de la Commission, ce qui est faux : toutes les directives postales ont été validées à la fois par les gouvernements et par les élus de l’Union.


La directive de 1997 ouvre un premier secteur à la concurrence à partir du 1er janvier 1999 : celui des envois dont le poids égale ou dépasse 350 grammes. Elle définit en même temps un « service postal universel », applicable par tous les prestataires de services et comprenant, pour les envois postaux jusqu’à 2 kg et pour les colis jusqu’à 10 kg, la levée, le tri, le transport et la distribution, ainsi que le service des envois recommandés et des envois à valeur déclarée. Ce service universel doit être rendu tous les jours ouvrables et au minimum cinq jours par semaine (contre six actuellement en France), sous réserve de « circonstances ou conditions géographiques jugées exceptionnelles ».


En 2002, une seconde directive (2002/39/CE) étend le processus de libéralisation aux envois de 100 grammes et plus (applicable au 1er janvier 2003), puis à ceux de 50 grammes et plus (applicable au 1er janvier 2006). La même directive prévoit que la libéralisation doit être totale en 2009. Cependant, du fait de nombreuses réticences, cette date est repoussée, et une troisième directive (2008/6/CE) fixe la suppression du « domaine réservé » au 1er janvier 2011. Cette directive, qui reprend pour l’essentiel le texte des précédentes, modifie considérablement l’article 7, consacré au service universel, en préconisant soit des aides financières de l’État, soit une contribution des utilisateurs (fin du tarif unique ?), dans le cas où « les obligations de service universel… constituent une charge financière inéquitable pour le ou les prestataires du service universel ». Autant dire que, d’une façon ou d’une autre, le contribuable devra venir en aide aux sociétés privées qui seraient chargées d’assurer le service public auquel il a droit !


Pour de vrais services publics, en Europe et en France

Il est parfaitement concevable d’organiser la Poste autour d’un service public fort, en allant au devant des besoins des utilisateurs partout et pour tous et en ne laissant personne sur le côté. Coopération entre services publics, innovation et diffusion des nouvelles technologies sur les territoires, réforme des circuits et des moyens de transport et de distribution du courrier, des colis et pourquoi pas du fret, élaboration d’un vrai service universel bancaire opposable, les pistes ne manquent pas pour développer un vrai service public.


1. Pour des services publics européens


Nous défendons un modèle alternatif à celui de la constitution de firmes transnationales en concurrence. Non pour défendre le statu quo, mais pour améliorer le service.


Une des dimensions de cette amélioration est, lorsque c’est nécessaire, de construire des services publics européens (ce qui n’est pas le cas de l’organisation des transports périurbains, ou de l’eau, l’unité géographique pertinente n’est pas nationale mais locale).


En revanche, il y a un besoin de services publics européens dans le domaine des transports internationaux, on peut organiser la coopération des acteurs nationaux dans les cas où ils existent, qu’ils soient monopoles nationaux ou entreprises concurrentielles. Par exemple, Les grandes alliances mondiales entre compagnies aériennes européennes, américaines et asiatiques se font sans participation au capital.


Le service public postal existe de longue date dans tous les pays. Il a été affaibli dans nombre d’entre eux : il faut donc l’y revigorer.


2. Pour la constitution d’un pôle financier public


La crise financière actuelle montre la nécessité d’un pôle financier public fort, instrument d’action pour une politique industrielle, pour orienter l’épargne au bénéfice d’activités utiles socialement et écologiquement. Cela veut dire l’arrêt de la politique visant la dilution du livret A dans une multitude de placements financiers et sa banalisation. Les montants dépensés pour sauver le système bancaire pourraient servir à constituer un pôle bancaire public solide, en consolidant les participations publiques dans le domaine financier, par exemple à la Caisse des dépôts et consignations, fonds souverain français. De nombreuses propositions ont été faites à ce sujet dans l’ouvrage de la fondation Copernic Pour des politiques alternatives (Syllepse, 2006).


3. Pour un service public postal démocratisé : créer des Conseils du service public postal avec élection des représentants des usagers à chaque niveau géographique commune ou communauté de communes, département, région...


Nous proposons la création des Conseils du service public postal composés : pour un tiers de représentants des conseillers municipaux, élus par le collège des élus municipaux, pour un tiers de représentants des organisations de consommateurs représentatives, élus par les habitants majeurs, pour un tiers de représentants des syndicats, élus par les salariés des services publics. Y seraient présents également avec voix consultative, les dirigeants du service public, opérateur et administrations concernés.


Ces conseils, avec pouvoir décisionnel, seraient compétents sur l’offre de service en quantité et qualité, la satisfaction et les attentes des usagers, l’accès au service des usagers en difficulté ou situés dans les zones défavorisées ou isolées, la contribution du service public aux politiques publiques, au développement durable, à l’emploi et à la protection de l’environnement, tant au plan local qu’au plan régional ou national. Ils devraient :

- s’assurer de la mise en œuvre des principes d’égalité d’accès, d’adaptation, de qualité et d’efficacité, de solidarité sociale et territoriale, qui régissent le service public,

- donner des avis et recommandations, consultatifs ou suspensifs selon les cas, sur les programmes d’investissements, l’organisation des services, leurs plans d’objectifs à moyen terme, leur politique tarifaire.


La transposition de la directive européenne qui organise la concurrence sur le courrier devrait se traduire dans une loi discutée à l’assemblée au premier semestre 2009, il est certain que le gouvernement voudra saisir cette occasion pour changer le statut de l’entreprise, quelles que soient précisément les délais de mise en œuvre de l’entrée de capitaux privés dans le capital de la Poste. Pour nous, il n’y a d’urgence ni sur le statut de la Poste, ni sur l’ouverture à la concurrence. Le débat public doit s’ouvrir et nous entendons y contribuer pour que la Poste réponde demain mieux aux besoins de tous. Et, sur un sujet qui engage profondément l’avenir du service public, et les relations qu’entretient la population avec celui-ci, tout changement d’ampleur devra être soumis à référendum.


Comment ça se passe ailleurs qu’en France ?

La même directive, dans ses considérants, reprend la rengaine néolibérale, évoquant une concurrence accrue en raison de « profondes mutations » et de la mondialisation, qui imposent de « relever de nouveaux défis ». D’ailleurs, une étude prospective (dont on ne sait trop par qui ni comment elle a été menée) atteste que « le maintien d’un secteur réservé ne devrait plus constituer l’option privilégiée pour le financement du service universel. Cette appréciation tient compte de l’intérêt qu’ont la Communauté et ses États membres à achever le marché intérieur et à tirer parti de son potentiel de création de croissance et d’emplois, tout en assurant l’offre d’un service efficace d’intérêt économique général à tous les utilisateurs ». Un certain nombre de pays se sont depuis longtemps lancés dans la libéralisation et la privatisation de leurs services postaux. Il est donc facile de vérifier si l’efficacité de ces services a été accrue et si de nouveaux emplois ont été créés.


1. Le modèle suédois : l’ouverture à la concurrence est totale en Suède depuis 1993, soit deux ans avant l’entrée du pays dans l’Union européenne. En 1994, l’ancienne administration postale a été transformée en une SARL, Posten AB, qui a été désignée comme « prestataire du service universel », et dont la part de marché est encore aujourd’hui supérieure à 90 %. C’est dire que la concurrence ne joue qu’à la marge. Par contre, la Suède bat tous les records de prix (c’est là que le timbre-poste est le plus cher, avec 90 % de hausse entre 1993 et 2003), tandis qu’un tiers des emplois de postiers y ont été supprimés en quelques années ainsi qu’un tiers des bureaux de poste, les supérettes faisant office d’agences postales. Malgré ces purges, Posten a évité de peu la banqueroute en 2003.


2. Les déboires de Royal Mail : l’ancienne administration postale britannique s’appelait la Post Office Corporation et regroupait les télécommunications et les services postaux. En 1981, en plein thatchérisme, la partie télécom fut séparée de la poste et devint British Telecom, depuis privatisée. La poste devint pour sa part The Post Office, jusqu’en 1999, année où le gouvernement Blair lance une privatisation aussi soudaine que mal organisée. La poste prend alors le nom de Consignia, mais l’opération se solde par un tel échec que le gouvernement renationalise en catastrophe l’entreprise, avec une perte évaluée à 1,5 milliard de livres. Sous le nom de Royal Mail, c’est aujourd’hui une entreprise publique à statut de société par actions. Contrairement à ce qui se passe en Suède, elle doit faire face à une concurrence féroce, menée entre autres par le français La Poste et le néerlandais TNT, concurrence d’autant plus vive que la libéralisation est totale depuis 2006. Résultat : un plan de réorganisation entraînant la fermeture de 2 500 bureaux de poste et une compression de la masse salariale, notamment par le gel des salaires, la remise en cause des plans de retraite, des suppressions d’emplois et la généralisation des temps partiels. D’où les nombreuses grèves qui ont éclaté au Royaume-Uni en 2007.


3. TNT, maître aux Pays-Bas : la poste aux Pays-Bas est entièrement privatisée. Dès 1989, l’entreprise publique de postes et télécommunications, Koninklijke PTT Nederland NV (KPN) est transformée en société anonyme, tandis que la concurrence est ouverte pour tous les envois d’un poids supérieur à 500 grammes. KPN ouvre son capital en 1994, puis en 1995. L’entreprise fusionne en 1996 avec la Thomas Nationwide Transport (TNT), société spécialisée dans les colis/express, née en Australie en 1946. Puis, en 1998, TNT Post Group (TPG) et KPN se séparent, la première entreprise devenant l’opérateur postal n° 1 aux Pays-Bas, tandis que la seconde garde les télécoms. TNT est aujourd’hui une société implantée un peu partout dans le monde, en particulier grâce à sa filiale TNT express. Elle gagne des parts de marché dans les pays voisins des Pays-Bas, en particulier en Allemagne, où elle n’hésite pas à faire travailler des enfants pour sa filiale consacrée au portage et à la publicité non adressée (PNA). Aux Pays-Bas, on a pu croire pendant quelques années au mythe de la croissance et des créations d’emplois, mais la réalité est aujourd’hui moins rose : TNT envisage de supprimer entre 11 000 et 13 000 emplois sur 59 000 dans les années qui viennent, tandis que 70 % de la main-d’œuvre travaille déjà à temps partiel. Il ne reste qu’entre 500 et 800 vrais bureaux de poste, auxquels s’ajoutent environ 1 300 points poste chez les commerçants.


4. Le cousin allemand : l’Allemagne commence sa mutation à peu près en même temps que la France, avec en 1989 l’éclatement de la Deutsche Bundespost en trois entités distinctes, chargées de la poste, des télécoms et des produits financiers. Puis vient 1995 et la transformation de ces entités en sociétés anonymes, avec ouverture progressive de leur capital : Deutsche Postbank, Deutsche Telekom, Deutsche Post. On notera cependant que, dès 1999, du fait de ses déboires, Deutsche Postbank est reprise par Deutsche Post, qui vient récemment d’en céder une bonne part à la Deutsche Bank. En même temps qu’elle entre en bourse, la poste allemande multiplie les acquisitions, notamment DHL et le suisse Danzas. Dans l’optique d’un développement à l’échelle mondiale, elle change de nom et devient Deutsche Post World Net, continuant à s’endetter par des acquisitions à prix fort, en particulier en Amérique (phénomène identique à celui de France Télécom et EDF).


Pendant ce temps, le réseau postal allemand subit une cure d’amaigrissement, avec une réduction drastique du nombre d’agences. Depuis 1995, on n’embauche plus de fonctionnaires, et le patron de Deutsche Post précisait en 2007 que la libéralisation coûterait 32 000 emplois à l’entreprise du fait de la concurrence sauvage. Un autre problème se pose, lié justement à la concurrence : un accord salarial relativement avantageux, en particulier pour les postiers de l’ancienne RDA, a été conclu en 2007 entre Deutsche Post et les principaux syndicats, puis étendu à l’ensemble du secteur postal par le Parlement. Cet accord, fixant le salaire minimum horaire à près de 10 euros, a été violemment attaqué par les entreprises concurrentes, notamment le néerlandais TNT et l’entreprise de portage PIN AG, habituées à verser des salaires presque deux fois moins élevés. L’accord salarial a été déclaré illégal par le tribunal administratif de Berlin, au prétexte que PIN AG avait signé un autre accord avec un autre syndicat, GNBZ. Faut-il préciser que GNBZ est un syndicat fantoche, créé pour la circonstance par PIN AG ? Tels sont les « bienfaits » de la concurrence.


Il convient de préciser que si Deutsche Post fait tout pour conserver sa position dominante en Allemagne, elle cherche à s’implanter dans la plupart des pays voisins dont l’Autriche, où elle a créé son propre réseau. Dans ce dernier pays, l’arrivée de la concurrence a déclenché la mise en œuvre d’un plan de défense aboutissant à la suppression de 9 000 emplois d’ici 2015 et de 40 % des guichets chez l’opérateur public, dont le capital est détenu à 51 % par l’État.


En guise de conclusion

Les quatre pays évoqués ci-dessus sont ceux qui, avec la Finlande, sont allés le plus loin dans le processus de libéralisation/privatisation au sein de l’Union européenne. Leur bilan ne donne pas vraiment envie de se lancer dans une aventure où les usagers n’ont rien à gagner et les salariés de la Poste tout à perdre. Pour les premiers, on peut prévoir, à court ou à moyen terme, la suppression de la distribution du courrier dans les zones rurales (projet que l’entreprise Correos tente d’imposer en Espagne), la fin du tarif unique, la distribution cinq jours par semaine au lieu de six, et la poursuite de la fermeture des bureaux de poste. Quant aux salariés de la Poste, ils sont déjà victimes des suppressions d’emplois (plus de 300 000 dans l’Union européenne, 10 000 par an en France), du travail à temps partiel et de toutes les formes d’externalisation. La mise totale en concurrence et la privatisation ne peuvent qu’aggraver les choses.


Plus généralement, alors que la crise financière marque l’échec du capitalisme et de sa version néolibérale, il est absurde de continuer dans une voie qui conduit droit dans le mur. Livrer les services publics aux appétits du marché, c’est programmer leur destruction pure et simple. La Poste publique a fait ses preuves et, si on veut bien lui en donner les moyens, elle continuera à donner satisfaction à l’ensemble de la population.


novembre 2008
Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC) :
21 ter rue Voltaire 75011 Paris. Tél. : 01 43 71 22 22 contact.aitec reseau-ipam.org aitec.reseau-ipam.org

Attac France :
66-72, rue Marceau, 93100 Montreuil-sous-Bois. Tél. : 01 41 58 17 40 - attacfr attac.org france.attac.org

Fondation Copernic :
BP 32, 75921 Paris cedex 19. Tél. : 06 75 25 77 76 fondation.copernic ras.eu.org fondation-copernic.org

Annexes

Organisation du groupe La Poste sept. 08

Effectif par métiers 2002-2007

Evolution effectifs de La Poste

Effectifs du groupe La Poste

http://www.france.attac.org/spip.php?article9205

 


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commentaires

M
Voila ce que j'appelle un article ehaustif, bravo. Un point encore, dans la série dégradation du service publique il y a les conséquence sur les prix du timbres :<br /> <br /> le timbre tarif lettre<br /> prix du timbre versus inflation<br /> <br /> et <br /> <br /> le prix de l'affranchissement pour la publicité<br /> hausse de 17% à la poste<br /> <br /> Merci à vous
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