7 janvier 2014 2 07 /01 /janvier /2014 04:29

Internationalnews

 

Par Green COLIN

Bombardement au phosphore blanc à Gaza

Des sources israéliennes comme ‘Breaking the Silence’ (briser le silence) et ‘Physicians for Human Rights-Israel’ (médecins pour les droits de l’homme) ont révélé que les attaques contre Gaza de 2008/9 (Cast Lead) et 2012 (Pillars of Defence) avaient été programmées des mois auparavant et cela pose beaucoup de questions sur les véritables causes du siège de sept ans de Gaza et des attaques massives perpétrées contre un peuple misérable et sans défense, entassé dans une prison à ciel ouvert.


On peut se demander en effet :

  • Pourquoi la communauté internationale et l’ONU laissent Israël faire le blocus et le siège d’une minuscule bande de terre appelée Gaza depuis sept dans une totale impunité.
  • Pourquoi, dans le même ordre d’idée, Israël est-il autorisé à se livrer à des actes de piraterie dans les eaux internationales pour empêcher des navires marchands non armés d’aller à Gaza, au nez et à la barbe des flottes de l’OTAN opérant en Méditerranée orientale.
  • Si les guerres asymétriques lancées contre Gaza en 2008/9 et en 2012 étaient bien une réponse aux roquettes Qassam ou si ce n’était pas plutôt des attaques soigneusement planifiées pour d’autres raisons.
  • Si le siège et les attaques pourraient avoir pour but l’expérimentation de nouvelles armes et de nouveaux missiles de défense ainsi que l’expérimentation sur le terrain de stratégies de contrôle de population et de contrôle des immenses ressources en énergie trouvées en Méditerranée orientale.

Commençons par examiner la situation démographique au moment du premier assaut (Cast Lead).
Gaza est une bande de terre étroite, 45 km de long sur 5 à 12 de large, dans laquelle 1,5 million de Palestiniens ont été entassés et virtuellement emprisonnés - avec une densité de 4119/km2, quatre fois supérieure à celle du Bengladesh.


La population est concentrée principalement dans cinq villes et sept grands camps de réfugiées qui regroupent un million de réfugiés selon l’ONU.


Il n’y a que 24 km2 de terre potentiellement cultivable et la meilleure terre, qui se trouve à la frontière nord-est d’Israël, est largement inaccessible parce qu’elle tombe dans la "zone tampon" israélienne. 80% des Gazaouis, dont 59% sont des enfants, vivent sous le seuil de pauvreté. 40% n’ont pas d’emploi, 60% dépendent de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés) pour leur nourriture.


Gaza était gouverné par le Hamas, un gouvernement élu librement, depuis un peu plus d’un an quand l’attaque a commencé, mais Israël et les États-Unis ont décidé que c’était une "organisation terroriste" et que Gaza était une "entité hostile" tout de suite après les élections et depuis ils font vivre un enfer à ses habitants. Depuis 2006, Israël s’acharne à détruire l’économie de Gaza et à maintenir l’enclave dans l’insécurité alimentaire en faisant régner une sorte de famine contrôlée pour punir la population et la briser.


La zone tampon instaurée à l’intérieur de la bande de Gaza par Israël l’a privée de 68% de ses terres arables en rendant leur culture dangereuse ou impossible. Les pécheurs palestiniens ne peuvent plus pécher au-delà de 3 miles nautiques au lieu des 20 stipulés dans le traité d’Oslo ce qui réduit dangereusement la consommation nécessaire de protéine et détruit une des bases de l’économie de Gaza. L’interdiction israélienne de dépasser les 3 miles marins a une autre conséquence qu’il faut souligner : elle interdit aux Gazaouis d’exploiter les réserves de Gaza en gaz naturel des puits Gaza Marine-1 et Gaza Marine-2 [1] estimées à presque 1,4 billions de pieds cubes qui auraient pu sauver l’économie et rendre Gaza indépendante d’Israël au plan énergétique.


Il est instructif d’analyser le timing des deux principales attaques. Pendant les 6 mois qui ont précédé l’invasion Cast Lead, le Hamas a respecté le cessez le feu jusqu’à ce qu’une incursion israélienne dans Gaza le 4 novembre (le jour des élections aux États-Unis) fasse 6 morts, ce qui a provoqué la réaction prévue de tirs de roquettes Qassam en Israël qui a servi de prétexte à l’armée israélienne pour lancer son attaque massive.


L’attaque israélienne qui a commencé le 27 décembre 2008 a été programmée pour coïncider exactement avec le changement de présidence aux États-Unis. Après 3 jours de frappes intensives, le Conseil de Sécurité a tenté de faire passer la Résolution de cessez-le-feu 1860 mais les États-Unis l’ont bloquée donnant à Israël le temps nécessaire pour lancer un assaut d’envergure sur le terrain. (Presque tout le Congrès a soutenu l’invasion, la Chambre par 390 voix contre 5 et le Sénat presque intégralement.


La résolution de Cessez-le-feu est finalement passée au Conseil de sécurité le 8 janvier, presque une semaine après l’invasion, mais les États-Unis se sont abstenus ce qui a donné aux Israéliens la couverture politique nécessaire pour continuer leur opération. Le président élu Barack Obama n’a pas dit un mot. Tony Blair, le représentant du Quartette, s’est fendu d’un appel tiède à un "cessez-le-feu immédiat".


Les pertes palestiniennes provoquées par l’invasion Cast Lead ont été terribles. Environ 1400 personnes ont été tuées dont 313 enfants et 116 femmes ; moins de 20% de ceux qui ont été tués étaient des combattants. Plus de 6000 personnes ont été gravement blessées dont 1855 enfants et 795 femmes (source : Centre Palestinien des droits de l’homme). Mes collègues médecins norvégiens, Mads Gilbert et Eric Fosse, qui travaillaient à Gaza à l’époque avec les équipes palestiniennes, ont fait état de lésions qu’ils n’avaient jamais vues auparavant qui prouvaient que les Israéliens avaient utilisé et testé de nouvelles armes ainsi que du phosphore blanc dans des endroits très peuplés. En plus des graves brûlures, il y avait un nombre anormalement élevé d’infirmes et de gens qui avaient perdu un membre parmi les blessés.


Par exemple 150 personnes qui avaient perdu un membre ont dû être envoyées dans les hôpitaux égyptiens ; dans le camp de réfugiés de Jabalia, parmi les 165 nouveaux infirmes qui recevaient des soins, au moins 90 avaient perdu un ou plusieurs membres. La plupart des blessures étaient causées par les armes conventionnelles connues mais certaines blessures laissaient grandement penser que d’autres armes avaient été testées en situation réelle pour la première fois. Nous sommes sûrs que certaines des armes non conventionnelles que nous allons citer ici ont été utilisées, pour les autres le doute subsiste.


Les bombes au phosphore blanc contiennent des substances chimiques imprégnées dans des petites bandes de feutre qui se dispersent sur un rayon de 100 mètres quand la bombe explose dans les airs. Le gaz sert officiellement d’écran de fumée ou de fumigène, mais c’est aussi un agent incendiaire et c’est à ce titre qu’il a été utilisé à Gaza à plusieurs reprises. Les bombes à fléchettes contiennent des milliers de fléchettes de 4 cm de long environ qui se dispersent en faisceau quand la bombe explose à environ un mètre du sol ; le profil balistique des fléchettes a été étudié pour faire énormément de dégâts possible à l’intérieur du corps. Elles ont été utilisées dans l’attaque de 2008/9 mais pas dans celle de 2012.


Les Israéliens ont testé des mortiers à tir rapide du système d’artillerie Keshet avec des effets dévastateurs dans une rue bondée du camp de réfugiés de Jabalia [2] près de l’école Al Fakhoura en pleine connaissance de cause. Ils ont tiré des obus Kalanit [3] de blindés dotés d’un canon de 120 mm ; Les obus explosent en l’air puis libèrent 6 mini-charges qui propulsent une pluie de shrapnels sur la cible en dessous.


Les explosifs à métal dense inerte (DIME) [4] sont des nouvelles munitions qui sont constituées de petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer ; elles ont un énorme pouvoir d’explosion mais qui reste confiné à un espace restreint permettant soi disant de frapper une cible donnée sans dommages collatéraux. Des bombes de petit diamètre (SDB) à guidage laser peuvent être installées sur des avions de combat F16 et ont été utilisées à Gaza (Israël en a acheté 1000 aux États-Unis début décembre en vue de l’attaque de 2008).


On pense qu’elles contenaient des shrapnels de métal dense inerte. Mais comme la preuve que des DIMES ont été utilisés repose sur la poudre de shrapnel trouvée à la surface du foie et autres tissus mous ainsi que dans les nombreuses amputations bien nettes dont ont souffert tant de victimes, elle est difficile à faire.


Les bombes à uranium appauvri sont faites pour pénétrer profondément des cibles comme les tanks à l’intérieur desquels elles forment une boule de feu brûlant ; A Gaza, elles ont été utilisées pour attaquer des grands bâtiments, pas des tanks. Enfin les Israéliens ont été accusés d’utiliser des armes thermobariques [5] dans les tunnels de la frontière égyptienne mais on n’en a pas de preuve indiscutable.


L’opération Cast Lead a été l’exemple type d’une guerre asymétrique entre d’un côté l’état qui a l’armée la plus puissante du Moyen Orient et de l’autre un camp de concentration assiégé.


Pour vous donner une idée de la puissance militaire de ce prototype d’état guerrier moderne :

  1. Israël possède actuellement entre 240 et 300 têtes nucléaires ;
  2. d’énormes stocks d’armes chimiques et biologiques de destruction de masse (tout en s’indignant de celles que possède la Syrie et en exigeant leur destruction) ;
  3. 620 avions de guerre dont des avions de combat F16 (qui doivent bientôt être remplacés par des chasseurs F35 dernier cri qui coûtent 200 millions de dollars pièce, les États-Unis leur en ont promis 25 en priorité dès qu’ils seront opérationnels), ainsi que des hélicoptères Cobra et Apache ;
  4. six sous-marins de la classe Dolphin de fabrication allemande offerts par ce pays et dont certains peuvent être équipés de têtes nucléaires - deux d’entre eux patrouillent actuellement dans le Golfe Persique ;
  5. un nombre inconnu de missiles balistiques de courte, moyenne et longue portée (jusqu’à 8000 kilomètres) capables de transporter des charges nucléaires (Jericho1,2,3) ;
  6. une flotte moderne de 58 navires de guerre dont beaucoup sont équipés de missiles et qui font régulièrement des manœuvres avec l’OTAN en Méditerranée ;
  7. 3 escadrons de drones (Hermes, Searcher and Heron), la plupart dessinés et construits en Israël - la Grande Bretagne en a commandé 100 ;
  8. une armée professionnelle disposant de 2442 tanks Merkava, 1265 véhicules blindés de transport de troupes et quantités d’autres véhicules militaires plus petits ;
  9. 2754 pièces d’artillerie lourde avec des munitions diaboliques spécifiquement conçues pour causer le plus de dommage possible dans la population civile ;
  10. l’armée de métier totalise 26 000 soldats à quoi s’ajoutent les 107 000 conscrits, ce qui fait 133 000 soldats sous les drapeaux (60% de plus que l’armée britannique) qui peuvent être rapidement triplés en cas d’urgence avec les 400 000 réservistes qui suivent un entraînement annuel de 18 ans à 40-50 ans.

Si l’on se rappelle que la population totale en Israël s’élève à 7,8 millions et que 20% d’Israéliens sont exclus de l’armée parce qu’ils sont considérés comme une Cinquième Colonne, cela représente un investissement massif dans la guerre en argent comme en sang versé.


Combien tout cela coûte-t-il ? Officiellement, environ 7% du PIB (265 milliards de dollars US) selon Israël (comparés aux 4,5% des États-Unis et aux 2,5% de l’Angleterre). Une fois qu’un petit état comme Israël s’engage dans la guerre dans une telle proportion de son PIB, la seule manière de s’en sortir est de faire des économies d’échelle en développant la fabrication d’armes pour son propre usage et pour l’exportation.


Selon les chiffres de ses ventes en 2012/13 (13 milliards de dollars US), il occupe la 4ème place mondiale (L’Angleterre tient la 3ème place avec 19 milliards de dollars).

 

Mais si on ajoute le commerce israélien de la sécurité (peut-être aussi important que son commerce d’armes, leur compétence dans ce domaine s’étant aiguisée grâce aux dizaines d’années de contrôle sur les Palestiniens), le commerce extrêmement profitable de la mise à niveau et le juteux trafic d’armes largement ignoré avec les dealers mondiaux, il est parmi les premiers exportateurs d’armes et de sécurité du monde tant en termes de pénétration du globe qu’en termes de profits.

 

L’industrie de l’armement et de la sécurité israélienne s’est imposée à la fois dans le matériel (en particulier les drones), dans la haute technologie (avionique, robotique et autres formes de guerre électronique, plus les applications militaires des nanotechnologies) et dans la guerre cybernétique (domaine dans lequel l’unité 8200 de l’armée israélienne collabore étroitement avec la NSA), plus des myriades de services de sécurité de toutes sortes. Les labels "testé sur le terrain" ou "a été utilisé dans le combat à Gaza" donnent aux fabricants d’armes israéliens un avantage compétitif majeur sur le marché.


En dehors du fait qu’Israël jouit au Congrès du soutien inconditionnel des deux partis pour des raisons de politique intérieure, y aurait-il d’autres raisons pour lesquelles les États-Unis ont constamment mis leur veto au Conseil de Sécurité à toutes les résolutions qui critiquaient Israël (43 fois jusqu’ici plus que tous les autres pays réunis sur tous les cas soumis) ?

 

La possibilité pour le Pentagone et les fabricants d’armes étasuniens (et Européens) de tester leurs nouvelles armes à Gaza pourrait-elle être une explication ?


Le lien immédiat entre le soutien financier étasunien au système de défense anti-missile Iron Dome, son utilisation contre les roquettes Qassam dont Israël a provoqué le lancement et les annonces que le système de défense est en train d’être vendu aux forces étasuniennes en Afghanistan et à l’Inde permet de se poser la question. De même, se pourrait-il qu’une démonstration "d’occupation aérienne" par laquelle les drones achèvent de dominer, d’intimider et de contrôler la vie des 1,7 million d’habitants de Gaza ait une influence sur la vente de drones israéliens qui s’ajoute aux autres moyens de contrôles qu’il vend aux gouvernements, armées, agences de sécurité et forces de police du monde entier ? Et que dire des énormes réserves de gaz au large de Gaza exploitées par Israël aux dépens des Palestiniens à qui l’accès à leurs propres ressources naturelles est interdit pour des raisons de "sécurité" ?


L’armement d’Israël est le vecteur de l’extension de l’hégémonie occidentale dans la région. Ce fait là et le fait que le complexe industriel militaro-sécuritaire occidental soit fourni en armes par Israël ainsi que l’opportunité de développer et de tester les armes dans les Territoires Palestiniens font des attaques contre Gaza un cas d’école dans un monde qui est en train de se transformer rapidement en Palestine Globale, à travers la “palestinisation” de nous tous. Parce que les Gazaouis sont seulement des cobayes. Le but final est de tous nous contrôler. Dans ce sens, nous sommes tous vraiment des Palestiniens.


Colin Green


Traduction : Dominique Muselet


Colin Green est professeur Emérite de chirurgie au University College de Londres (UCL) et académicien à l’Académie des Sciences d’Ukraine, ainsi que militant des droits de l’homme dans le cadre d’associations comme the Campaign Against the Arms Trade, Stop the War Coalition, Physicians for Human Rights, Israeli Committee Against House Demolitions et the Campaign for Nuclear Disarmament.


[2Extrait du rapport de l’ONU (page 19, §65) : ..."Les forces israéliennes ont tiré une salve de quatre mortiers de 120 mm « Keshet » tirant à intervalles très rapprochés.
Le mortier Keshet est doté de systèmes perfectionnés de ciblage et de navigation et était l’arme la plus précise dont les forces israéliennes disposaient à ce moment-là"... http://www.justitia-universalis.net/attachments/File/Publications/Pale...

[4..."À l’hôpital Al-Chifa, de Gaza, nous n’avons pas vu de brûlures au phosphore, ni de blessés par bombes à sous-munitions. Mais nous avons vu des victimes de ce que nous avons toutes les raisons de penser être le nouveau type d’armes, expérimenté par les militaires américains, connu sous l’acronyme DIME – pour Dense Inert Metal Explosive", ont déclaré les médecins. Petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer, elles ont un énorme pouvoir d’explosion, mais qui se dissipe à 10 mètres"... Pour lire la suite : http://socio13.wordpress.com/2009/01/12/des-medecins-evoquent-lusage-d...

[5Explosif à haute puissance allié à une matière inflammable qui dégage une chaleur intense et provoque une explosion plus puissante et plus destructrice.


* Counterpunch.org
http://www.internationalnews.fr/article-les-champs-de-morts-de-gaza-des-champs-d-experimentation-de-nouvelles-armes-counterpunch-121898013.html
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