Comme prévu, c’est une vague Syriza qui a emporté les élections ce dimanche. A Athènes dans les quartiers populaires, c’est une véritable débandade pour la droite. En province, ce sont des pans entiers de l’électorat de droite qui se sont ralliés, après ceux du PASOK. Du point de vue politique, la bourgeoisie grecque et son personnel politique sont abattus et aphones.
Tous leurs espoirs pour affronter Syriza sont maintenant reportés sur les dirigeants européens. De ce côté, la ligne semble claire : c’est la politique de la « cage de fer » et dans laquelle il s’agit d’enfermer immédiatement un gouvernement Syriza.
Le fer de lance est de l’obliger à demander une prolongation de l’actuel « programme d’aide », qui vient à échéance le 28 février. Une telle prolongation permettrait une poursuite du financement, donc du remboursement de la dette, mais elle implique également la poursuite de la politique actuelle et de la mise sous surveillance du pays par la Troïka – éventuellement sous des modalités légèrement réaménagées.
Les décisions de la BCE annoncées s’inscrivent dans ce cadre. L’inclusion de la Grèce dans le programme de rachat des dettes publiques suppose l’acceptation d’un « programme d’aide » (les titres de la dette grecque, qui ne valent pas grand chose, ne remplissent pas les conditions d’un ré-achat standard).
Il en est en substance de même à propos de l’autorisation accordée par la BCE pour l’accès à la liquidité des banques grecques via le mécanisme de l’ELA. Elle doit être renouvelée tous les 15 jours et suppose la poursuite d’un « programme d’aide ». Comme on l’aura compris, il ne faut plus dire « mémorandum » mais programme d’aide.
Les intentions de Syriza face à ces difficultés, parfaitement prévisibles dans leurs grandes lignes, ne sont pas claires. La campagne s’est surtout voulue « rassurante », visant l’électorat modéré et indécis, et a diffusé l’image d’une « Europe qui change », et même à toute vitesse, et qui est disposée à accéder aux demandes de Syriza.
Ces derniers jours, des déclarations de dirigeants de Syriza, tous principalement des économistes (Dragasakis, Tsakalotos), mais aussi du « bras droit » de Tsipras et directeur de son staff personnel Nikos Pappas, laissent entendre que Syriza serait d’accord pour demander une prolongation « technique » du « programme d’aide » en cours, pour « donner du temps à la négociation ». Les conditions qui seront exigées d’une telle prolongation prétendument « technique » sont passées sous silence.
On se retrouve donc face à un nœud de contradictions, qui, sous des formes diverses, jalonnent la trajectoire de Syriza et la situation grecque dans son ensemble. Déjà, entre les deux élections de mai et juin 2012, à peu près les mêmes dans Syriza (Dragasakis en première ligne) s’étaient démarqués de la ligne du parti et avaient écarté l’idée d’une annulation « unilatérale » du Mémorandum.
Dragasakis avait alors développé des distinctions oiseuses entre la dénonciation « politique » du Mémorandum et la « dénonciation juridique », qui équivaudrait à ces « actions unilatérales » qu’il abhorre. De tels propos avaient coûté cher à Syriza à l’époque, donnant l’impression d’un flou artistique, annonciateur de repli, sur les questions les plus décisives. Mais in fine ce n’est pas cette ligne qui avait prévalu. Qu’en sera-t-il à présent ? C’est peut-être LA question essentielle.
Actuellement, tout en étant lucide sur les contradictions, il faut se réjouir pleinement de la large victoire de Syriza, même si c’est dommage de ne pas avoir atteint de majorité parlementaire absolue pour deux sièges seulement. Ce raz de marée va redonner confiance aux secteurs les plus conscients, et permettre un redémarrage des mobilisations populaires.
C’est bien sûr la véritable clé. Enfin, une telle vague va avoir un très grand impact international, sur les gouvernements et sur toute cette gauche sociale et politique qui mise, à juste titre, sur Syriza et qui a envie de se jeter dans les batailles.
Ce qui se passe en Grèce, on ne le dira jamais assez est énorme, proprement historique, la première brèche décisive avec le néolibéralisme en Europe, et l’opportunité extraordinaire pour la « gauche de gauche » de rompre avec la malédiction des défaites qui sont celles des batailles perdues sans avoir été livrées. Une seule option donc : oser lutter, oser vaincre ! »
« Notre avenir commun en Europe n’est pas celui de l’austérité, c’est celui de la démocratie, de la solidarité et de la coopération. »... M. TSIPRAS
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