Lorène Lavocat (Reporterre)
Les députés discutent aujourd’hui d’un texte de loi sur les ondes électromagnétiques. Peu de changements à attendre, alors que les soupçons de dangerosité de ces ondes « possiblement cancérogènes » subsistent. Mais avec des techniques simples et un diagnostic, il est possible de s’en prémunir au quotidien.
Depuis 2012, la proposition de loi écologiste sur les ondes électromagnétiques languit dans le labyrinthe parlementaire. Détricotée par le Sénat en juin dernier, elle revient jeudi 29 janvier devant les députés.
Ultime chance pour Laurence Abeille, rapporteuse du texte, de faire voter une loi sur les ondes, même a minima. « Le texte a été affaibli par le Sénat », confirme-t-elle. Mais ce sera une première pierre, permettant d’inscrire l’idée d’une sobriété en matière d’expositions aux ondes. »
Même si le texte est adopté, il faudra attendre encore plusieurs mois avant que les décrets d’application le rendent effectif.
Diagnostics de pollution électromagnétique
Les politiques traînent des pieds, les recherchent patinent... mais le doute subsiste quant à la dangerosité de ces ondes. Elles seraient « possiblement cancérogènes » d’après le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Et la liste des effets biologiques probables ne cesse de s’allonger. Trouble du sommeil, migraine, baisse de la fertilité, palpitations. Alors que peut-on faire ?
-Laurent Le Guyader, expert en diagnostic électromagnétique
« Chacun, à son échelle individuelle, peut se prémunir des ondes », explique Laurent Le Guyader. Lui effectue des diagnostics de pollution électromagnétique. Il se rend chez les particuliers, mesure les champs électriques et magnétiques, puis propose des conseils pratiques pour limiter l’exposition.
Des services qui ne s’adressent pas uniquement aux électrosensibles : « Certaines personnes dormaient mal ou avaient des maux de tête inexpliqués », se souvient-il. « Après un état des lieux poussé et quelques changements d’aménagement, tout s’’est arrangé. » Petit tour d’horizon des solutions.
Peut-on échapper aux ondes ?
Non, car les ondes, liées aux champs électromagnétiques, sont présentes partout dans notre environnement. Notre atmosphère, la polarisation de la terre sont à l’origine de champs électriques et magnétiques. Il s’agit donc d’un phénomène naturel. En revanche, les activités humaines, notamment la transmission d’informations (par téléphone, internet, radio), émettent massivement des rayonnements.
- Les ondes électromagnétiques proviennent des champs électriques et magnétiques. Source OMS
Un tour sur carto-radio est à ce propos très édifiant. Le site recense les stations radioélectriques, et propose une carte des antennes relais et autres installations. A Paris, les locaux de la Ruche, par exemple, où Reporterre travaille, sont cernés par des émetteurs.
Pour échapper à ces radiofréquences, aller à la campagne ne suffit pas forcément. « Les antennes relais sont souvent bien plus puissantes hors des villes, puisqu’elles sont moins nombreuses et doivent émettre plus loin », indique Laurent Le Guyader. La commune de Saint-Julien-en-Beauchêne, dans les Hautes-Alpes, espère créer une zone blanche, sans aucune radiofréquence.
Pour autant, pas de panique, « il est tout à fait possible de diminuer de manière significative notre exposition aux champs électromagnétiques », insiste notre diagnostiqueur.
Quelles sont les sources principales d’émission d’ondes chez moi ?
Laurent Le Guyader se déplace avec une série d’instruments aux allures extra-terrestres. Ils permettent de mesurer et d’identifier les sources de pollution électromagnétique. Le champion reste le four à micro-ondes, mais « tous les appareils électriques avec transformateurs, comme les radio-réveils ou les chaînes hi-fi, créent un champ électrique important », observe-t-il.
Sur la sellette, il y a bien sûr la box internet - elle ne pose problème que si la wifi est activée -, mais aussi le téléphone fixe sans fil, dont la station de base envoie des ondes en continu. L’effet est double : l’appareil émet tant qu’il est sous tension, soit 24h sur 24, mais aussi, de manière plus importante, lors des communications.
Heureusement, un geste simple permet de supprimer la plupart des nuisances : débrancher ! « Mettre hors tension les appareils dès qu’on ne les utilise plus, la nuit surtout, permet de réduire les émissions », explique Laurent Le Guyader. Problème : les voisins. « Les ondes traversent les murs », précise-t-il.
Il est aussi possible de protéger sa pièce à l’aide de laiton ou d’un autre élément conducteur. « Une couverture de survie sous le lit permet de s’isoler des ondes des locataires du dessous. » Pourtant, difficile de tapisser sa chambre de papier aluminium ! De plus, selon Laurent Le Guyader, si on se protège des ondes venant du voisin du dessous, avec un écran posé sous le lit, on risque d’augmenter la quantité des ondes qui pourraient venir du dessus, et qui feront un aller retour à travers le lit. Idée à retenir : toute protection doit faire l’objet d’une vérification d’efficacité par un deuxième diagnostic.
Sans vivre reclus dans une boîte de laiton, priorité à votre cerveau : aménager votre intérieur pour que les sources de pollution soient loin des têtes de lit ou des fauteuils où vous restez longtemps.
« Une de mes clientes avait des migraines tous les samedis », raconte Laurent Le Guyader. La dame passait ses fins de semaine à bouquiner dans son salon. « Un jour, tout s’est guéri : elle avait juste changé de place son canapé ! » Rapide analyse : la box et la base de son téléphone étaient situées juste derrière le mur mitoyen du sofa.
Comment diminuer l’exposition quand je téléphone ?
Côté téléphone fixe, préférez les filaires, et les appareils récents, qui disposent d’une fonction « éco dect + ». « Grâce à ce mode, la base s’arrête presque d’émettre dès que le combiné y est reposé, et en communication, la puissance d’émission varie en fonction de la distance entre le combiné et sa base. »
Ensuite, décryptez les étiquettes ! Les fabricants de téléphone doivent impérativement indiquer le Débit d’absorption spécifique (DAS) de leur appareil neuf. Il donne une indication de l’impact de ces engins sur notre corps, et notamment notre cerveau. En France, il doit être inférieur à 2 Watt par kilogramme (W/kg) - une valeur qui ne vaut qu’en position de téléphone collé à l’oreille.
Oreillette ou pas ? « C’est mieux, surtout si elles sont à fil. » Mais elles pourraient quand même laisser passer les rayonnements. L’idéal, ce sont les oreillettes à tube, qui marchent un peu comme des stéthoscopes.
Enfin, des petits réflexes à avoir : préférer les textos aux appels, attendre que la communication soit établie pour coller le combiné à son oreille, et ne pas passer de coups de fil dans des zones mal couvertes.
Il est aussi déconseillé de téléphoner dans un mobile en mouvement (train, voiture), parce que le téléphone dégage alors beaucoup d’ondes pour établir la communication avec un nouveau relais plus proche, et ce, d’autant plus souvent que l’on se déplace vite.
Comme Laurent Le Guyader, ils sont une petite dizaine en région parisienne à effectuer des diagnostics. Certains travaillent en lien avec des collectivités, d’autres sont des militants passionnés. Comptez entre 50 et 200 € pour un état des lieux poussé de votre logement. Pour prendre nos précautions, en attendant que nos dirigeants agissent enfin.
CE QUE CONTIENT LE TEXTE DE LOI
Le texte voté au Sénat, et qui sera débattu jeudi 29 janvier à l’Assemblée Nationale, prévoit :
un objectif de sobriété en matière d’exposition aux ondes ;
des mesures de concertation lors de l’installation d’équipements radioélectriques ;
l’obligation, pour les écoles primaires, de la désactivations des accès sans fil quand ils ne sont pas utilisés ;
des mesures de sensibilisation ;
une obligation de transparence de la part des fabricants, qui devront indiquer le débit d’absorption spécifique (DAS) de leurs produits. Le DAS donne une idée de la puissance et de l’impact sur notre corps (notamment notre cerveau) des ondes émises par un appareil ;
l’interdiction de la publicité pour les tablettes pour les moins de 14 ans ;
l’obligation de fournir des oreillettes adaptées aux moins de 14 ans ;
un rapport sur l’électro-hypersensibilité ;
un recensement des points atypiques, où le niveau d’exposition est très élevé, sur notre territoire.
29 janvier 2015
Lire aussi : Au Sénat, le PS détricote la loi sur les ondes au profit des lobbies
Source et photos : Lorène Lavocat pour Reporterre
Articles liés
http://www.internationalnews.fr/article-comment-se-proteger-des-ondes-electromagnetiques-125500025.html