L'équipe du JVCI (J. Craig Venter Institute), pilotée par Daniel Gibson, Clyde Hutchison et Hamilton Smith, a synthétisé un génome bactérien (Mycoplasma mycoides) puis l’a transféré dans une autre cellule bactérienne (Mycoplasma capricolum), en remplacement de l’ADN de ce mycoplasme.
Les chercheurs ont pu crier victoire lorsqu’ils ont vu se développer une colonie de bactéries ayant toutes les caractéristiques du génome synthétique. Celui-ci avait ‘pris le contrôle’ de la cellule, lui faisant produire de nouvelles protéines. A terme, les chercheurs espèrent concevoir des cellules répondant à des besoins spécifiques, comme la production d’énergie ou la synthèse de molécules pour la pharmacie…
Le génome minimal
Cependant, de même qu’il a fallu beaucoup de travail pour parvenir jusqu’à l’étape d’aujourd’hui (20 personnes travaillant pendant 10 ans pour un budget de 32 millions d’euros, selon Science), de nombreuses étapes restent à franchir pour atteindre l’objectif affiché.
Voilà près de 10 ans que Craig Venter s’est lancé dans la quête du «génome minimal». En 2003, travaillant à partir des 500 gènes de Mycoplasma génitalium, l’équipe a isolé les 400 gènes qui seraient suffisants pour faire vivre un organisme. Ensuite, l’équipe a franchi plusieurs caps : transférer de l’ADN d’une bactérie à une autre, pouvoir modifier le génome artificiel pour qu’il soit accepté par une bactérie différente (et non rejeté comme un envahisseur), maîtriser la synthèse d’un chromosome bactérien…
Ce n’est qu’en 2008 qu’ils sont parvenus à synthétiser un chromosome bactérien, en ajoutant en filigrane, comme les dessins cachés des billets de banque, des marques qui permettent de le distinguer d’un ADN naturel.
Génome assemblé chez une levure
C’est ainsi que Gibson et ses collègues ont finalement réussi à synthétiser les paires de bases qui forment les séquences de l’ADN de M. mycoides, bout par bout. Ils ont assemblé les petits morceaux en les transférant dans une levure puis dans la bactérie E. coli. Une fois prêt, le génome artificiel a été implanté dans des cellules de M. capricolum. La manipulation n’a pas fonctionné du premier coup, relate Science. Il a fallu essayer plusieurs combinaisons, jusqu’à repérer une erreur, sur une seule base, qui a retardé les opérations de trois mois.
Obama demande un rapport
Bien entendu les chercheurs du JCVI ne comptent pas s’arrêter là. Venter a notamment un contrat avec la société Exxon pour produire des biocarburants à partir d’algues. Il va donc s’atteler avec son équipe à modifier un génome de microalgue.
Il y a deux jours Craig Venter était entendu par les membres du congrès américains sur les progrès de son équipe. Le président Obama a déjà réagi en demandant à la commission de bioéthique de la maison blanche de rendre dans six mois un rapport sur les enjeux de la biologie synthétique.
Pas de vie créée ex nihilo
Quelle est exactement la nature de la cellule obtenue? Elle est une copie, à peu de détails près, de ce qui existe dans la nature. Seule une petite partie est synthétique. Nous sommes encore très loin de la création d’une nouvelle forme de vie ex nihilo. «Franchement, les scientifiques n’en savent pas assez sur la biologie pour créer la vie» commente Jim Collins, professeur d’ingénierie biomédicale à l’université de Boston, dans la revue Nature.
Cependant plusieurs confrères saluent le tour de force technique réalisé par l’équipe de Venter, un scientifique atypique aux États-Unis. Un pionnier du séquençage qui poursuit sa carrière hors des institutions et des sentiers académiques.
Cécile Dumas
http://www.sciencesetavenir.fr 1/05/10
Photo: neotrouve
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