Par Mohamed Belaali |
L’humanitaire, quelques soient sa forme et ses acteurs, sert de prétexte et de couverture à des visées hégémoniques et impérialistes. Il est strictement au service du capital et des classes dominantes.
Hier on envoyait les missionnaires pour civiliser les « sauvages » en leur apportant lumière et civilisation, aujourd’hui on « s’ingère humainement » pour leur offrir démocratie et liberté. L’humanitaire a remplacé le missionnaire.
Un homme comme Bernard Kouchner, principal promoteur du « droit d’ingérence humanitaire», symbolise très bien l’hypocrisie, le cynisme et la violence de cette vision « humanitaire » du monde utilisée par les pays riches. Il est l’incarnation vivante de ce que représente ce droit. Payé par Total, il rédige un rapport niant, si l’on peut dire, totalement le travail forcé et les traitements inhumains infligés par le groupe pétrolier aux ouvriers birmans. Kouchner l’humanitaire, était également un farouche partisan de la guerre contre l’Irak dont le nombre de victimes dépasse le million de morts. Kouchner, après Bush et Sarkozy, préparait aussi le monde au « pire » c’est-à-dire à « la guerre » contre, cette fois, l’Iran .. Son amour pour l’humanitaire n’a d’égal que son admiration pour la guerre !
On fait la guerre au nom de l’humanitaire
On fait la guerre au nom de l’humanitaire et on invoque l’humanitaire pour justifier la guerre. Mais l’humanitaire reste souvent subordonné au militaire comme le rappelle Stéphane Sisco membre du Conseil d’administration de Médecins du Monde, « La coopération s’opère à tous les niveaux sous la conduite du Pentagone, seul capable d’assurer le rôle de leader. Comme nous le voyons en Irak les forces armées fixent l’ordre des priorités et maîtrisent le déroulement de la mission, du pré-déploiement à la sortie de crise (exit strategy). Le contrôle est laissé au militaire, subordonnant l’acteur civil et humanitaire ».
Idem en Afghanistan
« La militarisation de l’aide, les ERP [Équipes de reconstruction provinciales dirigées par l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord, OTAN], le trop grand nombre de services de sécurité et la confusion croissante des rôles ont contribué à réduire l’espace humanitaire et à véhiculer de fausses images sur le travail des ONG », confiait à l’IRIN (un département d’informations humanitaires des Nations Unies) Ashley Jackson, chercheur pour Oxfam à Kaboul ...
Quant à l’opération « Turquoise » menée par la France au Rwanda en 1994, toujours au nom de l’humanitaire, après le génocide des Tutsis auquel elle a largement contribué, voilà ce qu’en pensent les prêtres catholiques rescapés de cette tragédie humaine :
Le droit d’ingérence est le droit du plus fort [3]
Ainsi le droit d’ingérence, sous des prétextes humanitaires, permet et facilite l’ingérence impérialiste. Le droit d’ingérence est le droit du plus fort. Seuls les États les plus puissants peuvent intervenir et envahir militairement les pays pauvres sous la bannière humanitaire pour mieux piller leurs richesses. C’est pourquoi les pays du sud ont rejeté ce « droit d’intervention humanitaire » à la Havane en 2000 lors du sommet du G77 (qui représente tout de même environ les 4/5 de l’humanité).
Les pays capitalistes ne font appel au droit d’ingérence humanitaire que pour mieux servir leurs propres intérêts. Dans le cas contraire, ils invoquent le droit de non ingérence dans les affaires intérieures des États souverains. Cette vision sélective de l’humanitaire conduit ces États à intervenir massivement par exemple au Kosovo et à rester passif face aux massacres perpétrés par l’armée israélienne à Gaza. C’est de l’humanitaire à géographie variable !
Ainsi par exemple Save the Children USA, International Rescue Committee et World Vision ont reçu un financement de 2 millions de dollars de USAID, [4] l’agence américaine pour la coopération et l’aide humanitaire, pour « soulager » la population irakienne . C’est le cas également des ONG humanitaires scandinaves, belges et hollandaises où la part du financement public reste prédominante. Et même, lorsque ces ONG et associations sont financées essentiellement par des fonds privés comme c’est le cas de Médecins sans frontières(MSF), Médecins du monde(MDM), La Fédération internationale de la Croix-Rouge, Action contre la Faim etc , l’influence de l’État reste déterminante ne serait-ce qu’à travers les très généreuses exonérations d’impôts liées aux dons.
L’humanitaire pour redorer le blason des entreprises
Les entreprises se servent volontiers également de la loi du 4 février 1995 sur le congé de solidarité internationale qui leur permet d’envoyer leurs salariés en mission humanitaire à l’étranger. Le Crédit Agricole, le Club Méditerranée, Price Waterhouse Coopers, IBM, L’Oréal, SFR, Areva etc. ont bien compris l’intérêt de cette opération de relations publiques qui leur permet, à peu de frais, de redorer leur blason bien terni par des scandales sociaux, écologiques et éthiques liés à leur recherche effrénée du profit.
Humanitaire et grands médias
La misère du monde est régulièrement projetée sur la scène médiatique, non pas pour expliquer aux citoyens ses véritables causes et dénoncer ses responsables, pourtant connus, mais pour augmenter l’audimat en exploitant les bons sentiments altruistes du téléspectateur. La souffrance humaine se transforme en spectacle. Artistes, sportifs de haut niveau, hommes et femmes politiques etc. sont ainsi utilisés dans ce show médiatique. Le malheur des autres, l’émotion, la détresse humaine attirent le public et, par conséquent, augmentent les recettes publicitaires des chaînes télévisuelles.
Les acteurs de l’humanitaire, eux, avec leur rationalité capitaliste de gestion, tentent de « vendre » les souffrances des victimes, à travers les médias, aux précieux donateurs qui sont en quelque sorte leurs « clients ».
L’humanitaire ne fait que soulager, dans le meilleur des cas, très momentanément la détresse humaine. Il ne s’attaque pour ainsi dire jamais aux racines des malheurs des hommes c’est-à-dire au capitalisme et son fonctionnement. Dans ce sens, il est non seulement au service de l’ordre établi, mais il le perpétue. L’humanitaire dans un système inhumain, est donc une illusion pour ne pas dire une absurdité.
Notes
3 - Jean Bricmont : Un monde plus juste et la « responsabilité de protéger »
4 - CUBA : plus que jamais, l’USAID continue d’entretenir la subversion
Source: decrypt-infos, Publié également sur le site de Michel Collon.